
CHIRON
LE NOBLE CENTAURE
4ème de couverture
Chiron est un orphelin qui est devenu un parent adoptif, un enfant blessé qui est devenu un grand médecin, un enfant laissé à lui-même qui est devenu l’éducateur d’une cohorte de héros. Le plus brave, parmi les Centaures, a été capable d’offrir aux autres ce dont il a le plus manqué, mais il a été confronté un jour à la blessure qui était à son origine.
La trame mythologique propre à Chiron se dessine ainsi à partir de l’archétype du Guérisseur, avec sa double polarité médecin/malade. Mais se pourrait-il que l’on doive se montrer le plus vaillant, là où l’on se sent le plus fragile ? Le plus généreux, là où l’on se sent le plus démuni ? Se pourrait-il que le soignant ignore sa propre blessure ? À l’instar du Centaure, qui a renoncé à son immortalité pour rejoindre la condition humaine, le sujet sera-t-il assez sage pour prendre en compte sa vulnérabilité constitutive ?
S’appuyant sur l’analyse de nombreux horoscopes, cette étude s’articule autour de ces questions pour donner à voir l’histoire singulière des personnes dont le thème de naissance est marqué par la figure de Chiron.
introduction
On désigne souvent Chiron comme la figure du guérisseur blessé et cette épithète rend bien compte de l’histoire mythologique du Centaure. D’un point de vue psychologique, elle présente d’emblée quelque chose de significatif, parce qu’elle fait entendre ce que notre désignation des archétypes passe en principe sous silence.
Nous évoquons ainsi l’archétype paternel sans avoir forcément à l’esprit que le père ne saurait exister en dehors de l’enfant et sans prendre en compte, par conséquent, la bipolarité Père-Enfant que recouvre Saturne. Là où la planète est impliquée, ce n’est pas seulement la figure de Cronos qui entre en jeu, mais également celle de l’enfant, en soi. Un enfant qui doute de sa légitimité, qui est affligé de culpabilité ou qui cherche, par exemple, l’étayage d’un père.
Quand nous considérons la planète Uranus au regard de la figure prométhéenne du Libérateur, nous ne faisons pas entendre qu’elle implique aussi la figure du prisonnier, ou de l’enchaîné, et nous risquons de passer à côté, par exemple, de l’opprimé qui peut se cacher derrière le sujet engagé dans des grandes causes de libération.
S’agissant de Chiron, la dissociation entre le médecin et le malade nous est interdite par le mythe lui-même. Le brave Centaure souffrait en effet d’une blessure capable de mettre en échec l’art de soigner de celui qui le maîtrisait au plus haut point, puisqu’il fut l’enseignant d’Asclépios, le dieu de la médecine lui-même que nous connaissons mieux sous sa désignation latine d’Esculape.
En sa sagesse profonde, Chiron avait nourri, dans son antre rocheux, Asclépios auquel il apprit l’emploi des remèdes appliqués d’une main légère[1].
À lire le mythe de Chiron sous l’angle de la biographie, on retiendrait que le plus brave des Centaures jouissait d’abord de la santé et de la jeunesse éternelles dévolues aux Immortels, avant que le destin ne le frappe, sous la forme d’une flèche empoisonnée, pour lui faire subir une épreuve assortie à la condition mortelle. Suivant une telle lecture, on réduirait le temps mythologique au temps historique et l’on ferait contresens. Chiron n’est pas un médecin qui est devenu malade un jour, ni un guérisseur qui n’a pas trouvé de remède à une blessure contractée accidentellement. Dans le mythe, qui est le temps de l’éternel présent, pourrait-on dire, tout se déroule dans le même espace-temps, de sorte qu’il faut d’emblée rectifier le point de vue biographique en disant que le médecin et le malade, le guérisseur et le blessé sont aux fondements mêmes de la figure de Chiron.
La flèche d’Hercule ne blesse pas, un jour, Chiron. Elle l’a toujours, déjà atteint, et cette blessure originelle, que la flèche révèle, ne répond en apparence d’aucune justice. Elle n’a aucun sens. À moins que celui qui montre le chemin aux autres ne puisse être que blessé, aux prises avec la douleur d’exister, différente pour chacun et pourtant commune[2].
[1] PINDARE, Néméennes, Les Belles Lettres.
[2] Camille LAURA VILLET, Chiron, guérisseur et pédagogue des héros, https://www.youtube.com/watch?v=KizyPxvatfc